Un soir d’avril 2022, Cass, Justine et moi avons dîné chez Stéphane, le monsieur qui loue le carbet où nous vivons. On y a rencontré Serge, qui habite le troisième carbet du terrain. Serge est délégué du préfet à Saint-Laurent. Il a une soixantaine d’années. Ses récits de voyage et sa passion pour l’histoire lui donnent des airs de vieux sage. Serge est aussi un ex-drogué qui s’en est sorti grâce aux Narcotiques Anonymes il y a quelques années. La méthode qui y est employée, et fonctionne très bien d’après lui, est la prise de conscience de l’existence d’une puissance supérieure. Ce passage de sa vie lui a permit de découvrir la culture des Lakotas, un peuple amérindien du Dakota. Notamment, les huttes de sudation. Il nous propose d’en construire une, et de prendre part à la cérémonie le samedi suivant.
La hutte
C’est ainsi qu’avec Youst, Cass, Justine, Cyperus et Louis , nous avons eu la chance de partager nos sueurs dans l’obscurité d’une hutte en bambou.
Le chant de l’eau versée sur les pierres brûlantes accompagnait la cacophonie de nos fredonnements de novices, qui, ne connaissant pas les chants, faisions vibrer nos cordes vocales pour exhaler la chaleur insoutenable de nos tourments quotidiens. Au rythme du tambour, chaque nouvelle vague de vapeur nous écrasait un peu plus contre la terre. Nous trouvions réconfort dans sa fraîcheur et son humidité. Dans un second temps, le nuage brûlant nous enveloppait, comme pour apaiser les cœurs palpitants. Après d’intenses minutes de lutte, la porte s’ouvrait enfin, laissant s’échapper la chaleur irrespirable avec toutes nos pensées nées dans la noirceur de cet antre. C’est alors que se découvraient les corps de valeureux.ses guerrier.e.s, qui, dans cette bataille contre leurs limites physiques, avaient déposé les armes, abandonné.e.s, vulnérables. Couvert.e.s de boue, d’herbe et de sueur, nous mobilisions le peu d’énergie qu’il nous restait pour s’assurer que chacun.e avait survécu. Pendant que l’homme du feu transportait des pierres du foyer, à l’extérieur, jusqu’au centre la hutte, pour les ajouter aux précédentes, nous nous faisions passer une corne remplit d’eau pour nous réhydrater. “Oha ! “. Les résines et plantes saupoudrées sur les pierres, diffusaient un épaisse fumée à l’odeur camphrée, capturée par la porte de la hutte qui se refermait déjà. Plusieurs chants se succédaient durant les 4 temps (portes) de la cérémonie. Les ressentis variaient entre chaque porte, fonction de l’accoutumance d’une part, de l’accumulation de la chaleur et des efforts physiques d’autre part. Le lâcher prise, lui, s’accentuait à mesure que les pierres s’amoncelaient au centre de la hutte, jusqu’à la 28ème.
Quand nous nous en extrayons, on constate un gradient de l’impact physique et émotionnel qu’a eu cette hutte sur chaque participant.e. Les un.e.s derrières les autres, nous marchons à quatre pattes en direction de la lumière. L’air qui s’engouffre dans nos poumons n’a jamais été aussi doux, le soleil équatorial a l’effet d’une caresse. On se sert dans les bras, on se remercie, certain.e.s pleurent, d’autres contemplent le monde qui les entoure, s’éloignent, sourient.
Cette expérience individuelle, une lutte menée seul.e contre soi-même et contre les éléments, reste fondamentalement collective. Sans les regards à la recherche d’un « tout va bien » dans celui des autres, sans les réorganisations spatiales ayant permis à chacun.e de trouver sa place et sa position, sans les mains tendues offrant leur aide dans les moments difficiles, nous aurions surmonté l’épreuve avec bien plus de peine.
2 réponses à “Initiation aux rites Lakota”
Merci Montaine pour ce récit fort bien composé de ce souvenir plus ou moins bon.
Bonne continuation en Angola 🙂
mdr y a de la modération :’)
attention les copains, pas le droit de se cracher dessus!